Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

manifeste qu’une constitution oubliée n’a pas laissé de souvenirs et n’a pas fondé d’habitudes ? Rien ne serait plus respectable, et plus nécessaire à ménager, qu’une vieille constitution, dont on se serait toujours souvenu, et que le temps aurait graduellement perfectionnée. Mais une constitution, oubliée tellement qu’il faut des recherches pour la découvrir, et des arguments pour prouver son existence, une constitution qui est le sujet des dissentiments des publicistes et des disputes des antiquaires, n’est qu’un objet d’érudition, qui aurait dans l’application tous les inconvénients de la nouveauté.

Nous blâmons les novateurs, et je ne les ai pas blâmés moins sévèrement qu’un autre ; nous les blâmons de faire des lois en sens inverse de l’opinion existante. Mais vouloir renouveler des institutions qu’on dit avoir disparu, et que l’on croit avoir découvertes, est un tort du même genre. Si ces institutions ont disparu, c’est qu’elles n’étaient plus conformes à l’esprit national. Si elles lui étaient restées conformes, elles seraient vivantes dans toutes les têtes, et gravées dans toutes les mémoires. C’est donc vouloir faire plier le présent, non devant un passé avec lequel il s’est identifié, mais devant un passé qui n’existe plus pour lui, comme les novateurs veulent le faire plier devant un avenir qui n’existe pas ; or, le temps n’y fait rien, le mal est le même.

    n’a jamais existé ; et en effet elle ne pouvait pas exister, puisque le roi tenait son pouvoir de Dieu seul, et n’en devait compte qu’à Dieu. Le Cours de droit public composé sous Louis XIV pour l’instruction du duc de Bourgogne résume en quelques mots cette prétendue constitution. « Le roi représente la nation tout entière… toute puissance, toute autorité réside dans ses mains ; il ne peut y en avoir d’autres dans le royaume que celles qu’il établit. La nation ne fait pas corps en France, elle réside tout entière dans la personne du roi. » (Voir Lemontey, Œuvres, t. V, p. 13.) Le serment du sacre était le seul engagement de la royauté française, ce n’était pas à la nation qu’elle le prêtait, c’était à Dieu.

    (Note de l’éditeur.)