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est un patrimoine de famille, qu’il retire de la lutte, en abandonnant son ministère. Mais ce n’est que lorsque la puissance est de la sorte sacrée, que vous pouvez séparer la responsabilité d’avec la puissance.

Un pouvoir républicain se renouvelant périodiquement n’est point un être à part, ne frappe en rien l’imagination, n’a point droit à l’indulgence pour ses erreurs, puisqu’il a brigué le poste qu’il occupe, et n’a rien de plus précieux à défendre que son autorité, qui est compromise dès qu’on attaque son ministère, composé d’hommes comme lui, et avec lesquels il est toujours de fait solidaire.

Rendre le pouvoir suprême inviolable, c’est constituer ses ministres juges de l’obéissance qu’ils lui doivent. Ils ne peuvent, à la vérité, lui refuser cette obéissance qu’en donnant leur démission ; mais alors l’opinion publique devient juge à son tour entre le pouvoir supérieur et les ministres, et la faveur est naturellement du côté des hommes qui paraissent avoir fait à leur conscience le sacrifice de leurs intérêts. Ceci n’a pas d’inconvénients dans la monarchie héréditaire. Les éléments dont se compose la vénération qui entoure le monarque empêchent qu’on ne le compare avec ses ministres, et la permanence de sa dignité fait que tous les efforts de leurs partisans se dirigent contre le ministère nouveau. Mais dans une république, la comparaison s’établirait entre le pouvoir suprême et les anciens ministres ; elle mènerait à désirer que ceux-ci devinssent le pouvoir suprême, et rien, dans sa composition, ni dans ses formes, ne semblerait s’y opposer.

Entre un pouvoir républicain non responsable et un ministère responsable, le second serait tout, et le premier ne tarderait pas à être reconnu pour inutile. La non-responsabilité force le gouvernement à ne rien faire