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mais pour exercer la tyrannie. Il arrivait de là que le parti vainqueur ne se contentait pas de déposséder, il frappait ; et comme il frappait sans jugement, c’était un assassinat, au lieu d’être une justice.

La Ballia de Florence, née de l’orage, se ressentait de son origine. Elle condamnait à mort, incarcérait, dépouillait, parce qu’elle n’avait pas d’autre moyen de priver de l’autorité les hommes qui en étaient dépositaires. Aussi, après avoir agité Florence par l’anarchie, fut-elle l’instrument principal de la puissance des Médicis.

Il faut un pouvoir constitutionnel qui ait toujours ce que la Ballia avait d’utile, et qui n’ait jamais ce qu’elle avait de dangereux ; c’est-à-dire qui ne puisse ni condamner, ni incarcérer, ni dépouiller, ni proscrire, mais qui se borne à ôter le pouvoir aux hommes ou aux assemblées qui ne sauraient plus longtemps le posséder sans péril.

La monarchie constitutionnelle résout ce grand problème ; et, pour mieux fixer les idées, je prie le lecteur de rapprocher mes assertions de la réalité. Cette réalité se trouve dans la monarchie anglaise. Elle crée ce pouvoir neutre et intermédiaire : c’est le pouvoir royal séparé du pouvoir exécutif ou ministériel. Le pouvoir exécutif est destitué sans être poursuivi. Le roi n’a pas besoin de convaincre ses ministres d’une faute, d’un crime ou d’un projet coupable pour les renvoyer ; il les renvoie sans les punir : ainsi, tout ce qui est nécessaire a lieu, sans rien de ce qui est injuste ; et, comme il arrive toujours, ce moyen, parce qu’il est juste, est encore utile sous un autre point de vue.

C’est un grand vice dans toute constitution, que de ne laisser d’alternative aux hommes puissants, qu’entre leur puissance et l’échafaud.