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point la dictature ; mais on eut recours simultanément à l’institution tribunitienne, autorité toute populaire. Alors les ennemis se retrouvèrent en présence ; seulement chacun s’était fortifié de son côté. Les centuries étaient une aristocratie, les tribus une démocratie. Les plébiscites décrétés sans le secours du sénat n’en étaient pas moins obligatoires pour les patriciens. Les sénatus-consultes, émanant des patriciens seuls, n’en étaient pas moins obligatoires pour les plébéiens. Ainsi chaque parti saisissait tour à tour le pouvoir qui aurait dû être confié à des mains neutres, et en abusait, ce qui ne peut manquer d’arriver, aussi longtemps que les pouvoirs actifs ne l’abdiquent pas pour en former un pouvoir à part.

La même observation se reproduit pour les Carthaginois : vous les voyez créer successivement les suffètes pour mettre des bornes à l’aristocratie du sénat, le tribunal des cent pour réprimer les suffètes, le tribunal des cinq pour contenir les cent. Ils voulaient, dit Condillac, imposer un frein à une autorité, et ils en établissaient une autre, qui avait également besoin d’être limitée, laissant ainsi toujours subsister l’abus auquel ils croyaient porter remède.

La monarchie constitutionnelle nous offre, comme je l’ai dit, ce pouvoir neutre, si indispensable à toute liberté régulière. Le roi, dans un pays libre, est un être à part, supérieur aux diversités des opinions, n’ayant d’autre intérêt que le maintien de l’ordre et le maintien de la liberté, ne pouvant jamais rentrer dans la condition commune, inaccessible en conséquence à toutes les passions que cette condition fait naître, et à toutes celles que la perspective de s’y retrouver nourrit nécessairement dans le cœur des agents investis d’une puissance momentanée. Cette auguste prérogative de la royauté