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voir exécutif est-elle dangereuse, le roi destitue les ministres. L’action de la chambre héréditaire devient-elle funeste, le roi lui donne une tendance nouvelle, en créant de nouveaux pairs. L’action de la chambre élective s’annonce-t-elle comme menaçante, le roi fait usage de son veto, ou il dissout la chambre élective. Enfin l’action même du pouvoir judiciaire est-elle fâcheuse, en tant qu’elle applique à des actions individuelles des peines générales trop sévères, le roi tempère cette action par son droit de faire grâce.

Le vice de presque toutes les constitutions a été de ne pas avoir créé un pouvoir neutre, mais d’avoir placé la somme totale d’autorité dont il doit être investi dans l’un des pouvoirs actifs. Quand cette somme d’autorité s’est trouvée réunie à la puissance législative, la loi, qui ne devait s’étendre que sur des objets déterminés, s’est étendue à tout. Il y a eu arbitraire et tyrannie sans bornes. De là les excès du long parlement, ceux des assemblées du peuple dans les républiques d’Italie, ceux de la convention, à quelques époques de son existence. Quand la même somme d’autorité s’est trouvée réunie au pouvoir exécutif, il y a eu despotisme. De là l’usurpation qui résulta de la dictature à Rome.

L’histoire romaine est en général un grand exemple de la nécessité d’un pouvoir neutre, intermédiaire entre les pouvoirs actifs. Nous voyons dans cette république, au milieu des froissements qui avaient lieu entre le peuple et le sénat, chaque parti chercher des garanties : mais comme il les plaçait toujours en lui-même, chaque garantie devenait une arme contre le parti opposé. Les soulèvements du peuple menaçant l’État de sa destruction, l’on créa les dictateurs, magistrats dévoués à la classe patricienne. L’oppression exercée par cette classe réduisant les plébéiens au désespoir, l’on ne détruisit