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hommes dont l’opinion est à mes yeux d’un grand poids. C’est en effet, selon moi, la clef de toute organisation politique.

Le pouvoir royal (j’entends celui du chef de l’État, quelque titre qu’il porte) est un pouvoir neutre. Celui des ministres est un pouvoir actif. Pour expliquer cette différence, définissons les pouvoirs politiques, tels qu’on les a connus jusqu’ici.

Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir judiciaire, sont trois ressorts qui doivent coopérer, chacun dans sa partie, au mouvement général : mais quand ces ressorts dérangés se croisent, s’entre-choquent et s’entravent, il faut une force qui les remette à leur place. Cette force ne peut pas être dans l’un des ressorts, car elle lui servirait à détruire les autres. Il faut qu’elle soit en dehors, qu’elle soit neutre, en quelque sorte, pour que son action s’applique nécessairement partout où il est nécessaire qu’elle soit appliquée, et pour qu’elle soit préservatrice, réparatrice, sans être hostile.

La monarchie constitutionnelle crée ce pouvoir neutre, dans la personne du chef de l’État. L’intérêt véritable de ce chef n’est aucunement que l’un des pouvoirs renverse l’autre, mais que tous s’appuient, s’entendent et agissent de concert.

On n’a distingué jusqu’à présent, dans les organisations politiques, que trois pouvoirs.

J’en démêle cinq, de natures diverses, dans une monarchie constitutionnelle : 1o  le pouvoir royal ; 2o  le pouvoir exécutif ; 3o  le pouvoir représentatif de la durée ; 4o  le pouvoir représentatif de l’opinion ; 5o  le pouvoir judiciaire.

Le pouvoir représentatif de la durée réside dans une assemblée héréditaire ; le pouvoir représentatif de l’opi-