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pote, aucune assemblée ne peut donc exercer un droit semblable, en disant que le peuple l’en a revêtu. Tout despotisme est donc illégal ; rien ne peut le sanctionner, pas même la volonté populaire qu’il allègue, car il s’arroge, au nom de la souveraineté du peuple, une puissance qui n’est pas comprise dans cette souveraineté, et ce n’est pas seulement le déplacement irrégulier du pouvoir qui existe, mais la création d’un pouvoir qui ne doit pas exister.


Benjamin Constant est revenu à diverses reprises dans ses écrits sur l’abus que le despotisme pouvait faire des principes de la souveraineté du peuple. Voici ce qu’il dit à ce sujet dans la Préface de l’édition de ses œuvres publiées en 1818 :

À l’époque où le mouvement national de 1789, détourné de sa tendance naturelle par l’ignorance de beaucoup d’hommes et par l’égoïsme de plusieurs, eut dégénéré en agitation convulsive, sans but précis et sans direction fixe, une portion nombreuse et bien intentionnée de la nation fut la dupe de quelques axiomes vrais en eux-mêmes, mais faussés par l’application qu’on en faisait.

Le dogme de la souveraineté du peuple devint un instrument de tyrannie, et, durant quelque temps, le peuple se laissa opprimer au nom de sa souveraineté.


Il dit encore ailleurs :

Le despotisme qui a remplacé la démagogie et qui s’est constitué légataire du fruit de tous ses travaux, a persisté très-habilement dans la route tracée. Les deux extrémités se sont trouvées d’accord parce qu’au fond,