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droit divin, sur le droit de conquête, ou sur l’assentiment du peuple, ne possède une puissance sans bornes. Dieu, s’il intervient dans les choses humaines, ne sanctionne que la justice. Le droit de conquête n’est que la force, qui n’est pas un droit, puisqu’elle passe à qui s’en saisit. L’assentiment du peuple ne saurait légitimer ce qui est illégitime, puisqu’un peuple ne peut déléguer à personne une autorité qu’il n’a pas.

Une objection se présente contre la limitation de la souveraineté. Est-il possible de la limiter ? Existe-t-il une force qui puisse l’empêcher de franchir les barrières qu’on lui aura prescrites ? On peut, dira-t-on, par des combinaisons ingénieuses, restreindre le pouvoir en le divisant. On peut mettre en opposition et en équilibre ses différentes parties. Mais par quel moyen fera-t-on que la somme totale n’en soit pas illimitée ? Comment borner le pouvoir autrement que par le pouvoir ?

Sans doute, la limitation abstraite de la souveraineté ne suffit pas. Il faut chercher des bases d’institutions politiques qui combinent tellement les intérêts des divers dépositaires de la puissance, que leur avantage le plus manifeste, le plus durable et le plus assuré, soit de rester chacun dans les bornes de leurs attributions respectives. Mais la première question n’en est pas moins la compétence et la limitation de la souveraineté ; car avant d’avoir organisé une chose, il faut en avoir déterminé la nature et l’étendue.

En second lieu, sans vouloir, comme l’ont fait trop souvent les philosophes, exagérer l’influence de la vérité, l’on peut affirmer que lorsque de certains principes sont complètement et clairement démontrés, ils se servent en quelque sorte de garantie à eux-mêmes. Il se forme à l’égard de l’évidence une opinion universelle qui bientôt est victorieuse. S’il est reconnu que la sou-