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torité et ses créatures. Une barrière morale s’élève entre le pouvoir agité et la foule immobile. Le succès n’est qu’un météore qui ne vivifie rien sur son passage. À peine lève-t-on la tête pour le contempler un instant. Quelquefois même on s’en afflige comme d’un encouragement donné au délire. On verse des larmes sur les victimes, mais on désire les échecs.

Dans les temps belliqueux, l’on admirait par dessus tout le génie militaire. Dans nos temps pacifiques, ce que l’on implore, c’est de la modération et de la justice. Quand un gouvernement nous prodigue de grands spectacles, et de l’héroïsme, et des créations, et des destructions sans nombre, on serait tenté de lui répondre :

Le moindre grain de mil serait mieux notre affaire ;

et les plus éclatants prodiges, et leurs pompeuses célébrations ne sont que des cérémonies funéraires où l’on forme des danses sur des tombeaux.


Effet de ces succès sur les peuples conquis.

« Le droit des gens des Romains, dit Montesquieu, consistait à exterminer les citoyens de la nation vaincue. Le droit des gens, que nous suivons aujourd’hui, fait qu’un État qui en a conquis un autre continue à le gouverner selon ses lois, et ne prend pour lui que l’exercice du gouvernement politique et civil[1]. »

  1. Pour qu’on ne m’accuse pas de citer faux, je transcris tout le paragraphe. « Un État, qui en a conquis un autre, le traite d’une