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rondir ses frontières. Aucun n’a sacrifié, que l’on sache, une portion de son territoire pour donner au reste une plus grande régularité géométrique. Ainsi l’arrondissement des frontières est un système dont la base se détruit par elle-même, dont les éléments se combattent, et dont l’exécution, ne reposant que sur la spoliation des plus faibles, rend illégitime la possession des plus forts.

Ce gouvernement invoquerait les intérêts du commerce, comme si c’était servir le commerce que dépeupler un pays de sa jeunesse la plus florissante, arracher les bras les plus nécessaires à l’agriculture, aux manufactures, à l’industrie, élever entre les autres peuples et soi des barrières arrosées de sang. Le commerce s’appuie sur la bonne intelligence des nations entre elles ; il ne se soutient que par la justice ; il se fonde sur l’égalité ; il prospère dans le repos ; et ce serait pour l’intérêt du commerce qu’un gouvernement rallumerait sans cesse des guerres acharnées, qu’il appellerait sur la tête de son peuple une haine universelle, qu’il marcherait d’injustice en injustice, qu’il ébranlerait chaque jour le crédit par des violences, qu’il ne voudrait point tolérer d’égaux.

Sous le prétexte des précautions dictées par la prévoyance, ce gouvernement attaquerait ses voisins les plus paisibles, ses plus humbles alliés, en leur supposant des projets hostiles, et comme devançant des agressions méditées. Si les malheureux objets de ses calomnies étaient facilement subjugués, il se vanterait de les avoir prévenus : s’ils avaient le temps et la force de lui résister, vous le voyez, s’écrierait-il, ils voulaient la guerre, puisqu’ils se défendent[1].

  1. L’on avait inventé, durant la révolution française, un prétexte de guerre inconnu jusqu’alors, celui de délivrer les peuples du joug