Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/394

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais, lorsqu’une révolution dépasse ce terme, c’est-à-dire lorsqu’elle établit des institutions qui sont par delà les idées régnantes, ou qu’elle en détruit qui leur sont conformes, elle produit inévitablement des réactions, parce que le niveau n’existant plus, les institutions ne se soutiennent que par une succession d’efforts, et que du moment où ces efforts cessent, tout se relâche et rétrograde.

La révolution d’Angleterre, qui avait été faite contre le papisme, ayant dépassé ce terme, en abolissant la royauté, une réaction violente eut lieu, et il fallut, vingt-huit ans après, une révolution nouvelle pour empêcher le papisme d’être rétabli. La révolution de France, qui a été faite contre les privilèges, ayant de même dépassé son terme, en attaquant la propriété, une réaction terrible se fait sentir, et il faudra, non pas, j’espère, une révolution nouvelle, mais de grandes précautions et un soin extrême pour s’opposer à la renaissance des privilèges.

Lorsqu’une révolution, portée ainsi hors de ses bornes, s’arrête, on la remet d’abord dans ses bornes. Mais on ne se contente pas de l’y replacer. L’on recule d’autant plus que l’on avait trop avancé. La modération finit, et les réactions commencent.

Il y a deux sortes de réactions : celles qui s’exercent sur les hommes, et celles qui ont pour objet les idées.

Je n’appelle pas réaction la juste punition des coupables, ni le retour aux idées saines ; ces choses appartiennent l’une à la loi, l’autre à la raison. Ce qui, au contraire, distingue essentiellement les réactions, c’est l’arbitraire à la place de la loi, la passion à la place du raisonnement : au lieu de juger les hommes, on les proscrit ; au lieu d’examiner les idées, on les rejette.