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souveraineté absolue entre les mains de quelques-uns ; la monarchie une souveraineté absolue entre les mains d’un seul. Le peuple a pu se dessaisir de cette souveraineté absolue, en faveur d’un monarque, qui alors en est devenu légitime possesseur.

L’on voit clairement que le caractère absolu que Hobbes attribue à la souveraineté du peuple est la base de tout son système. Ce mot absolu dénature toute la question et nous entraîne dans une série nouvelle de conséquences ; c’est le point où l’écrivain quitte la route de la vérité pour marcher par le sophisme au but qu’il s’est proposé en commençant. Il prouve que les conventions des hommes ne suffisant pas pour être observées, il faut une force coercitive pour les contraindre à les respecter ; que la société devant se préserver des agressions extérieures, il faut une force commune qui arme pour la défense commune ; que les hommes étant divisés par leurs prétentions, il faut des lois pour régler leurs droits. Il conclut du premier point, que le souverain a le droit absolu de punir ; du second, que le souverain a le droit absolu de faire la guerre ; du troisième, que le souverain est législateur absolu. Rien de plus faux que ces conclusions. Le souverain a le droit de punir, mais seulement les actions coupables : il a le droit de faire la guerre, mais seulement lorsque la société est attaquée : il a le droit de faire des lois, mais seulement quand ces lois sont nécessaires, et en tant qu’elles sont conformes à la justice. Il n’y a par conséquent rien d’absolu, rien d’arbitraire dans ces attributions. La démocratie est l’autorité déposée entre les mains de tous, mais seulement la somme d’autorité nécessaire à la sûreté de l’association ; l’aristocratie est cette autorité confiée à quelques-uns ; la monarchie, cette autorité remise à un seul. Le peuple peut se dessaisir de cette autorité en fa-