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des souvenirs ou des craintes, vous voyez mal votre situation. Vous mettez une sorte d’orgueil à vous aveugler. Vous vous déguisez l’impulsion rétrograde que vous avez favorisée et qui déjà vous menace. Vous vous flattez de la modérer en la favorisant encore. Vous croyez désarmer l’aristocratie par des éloges, tandis que les républicains ne vous demandent que la justice. Vous caressez des hommes qui, malgré leur besoin de vous, vous prodiguent le reproche et vous annoncent l’insulte, et vous en repoussez qui vous ont montré de la défiance, mais que vous pourriez rassurer.

Les aristocrates différent de vous par les principes ; ils ne sont réunis à vous que par des haines individuelles ; ils vous aident à détruire ce que vous voulez détruire ; mais ce que vous voudrez conserver, ils le détruiront.

Les républicains sont séparés de vous par ces haines individuelles qui rapprochent de vous les aristocrates ; mais si vos intentions sont telles que vous le dites (et qui n’aimerait à le croire ?), les républicains sont unis à vous d’intérêts et de principes. Ils veulent vous empêcher de détruire ; ils vous aideront à conserver.

Vous êtes aux yeux des aristocrates des hommes criminels. Aux yeux des républicains, vous n’êtes que des hommes douteux. Les aristocrates pourront tout au plus agréer vos services, sans oublier vos torts ; rien ne vous lavera d’avoir commencé cette révolution qu’ils abhorrent ; vous ne réparerez jamais qu’une petite partie des maux qu’ils vous attribuent ; et en rendant inutile

    brigands et consolidée par des crimes ; je ne connais pas de moyen plus sûr de contre-révolution que de déchirer Condorcet et Vergniaud, de peindre le 10 août comme un attentat, et de représenter ensuite le 31 mai, et les horreurs qui le suivirent, comme un résultat nécessaire du renversement de la monarchie.