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Ce qui trompe sur ses effets, c’est qu’on lui fait un mérite du dévouement des républicains. Tandis que des tyrans ravageaient leur patrie, ils persistaient à la servir et à mourir pour elle ! Menacés de l’assassinat, ils n’en marchaient pas moins à la victoire.

Ce qui trompe encore, c’est qu’on admire la terreur d’avoir renversé les obstacles qu’elle-même avait créés. Mais, ce dont on l’admire, on devrait l’en accuser.

En effet, le crime nécessite le crime. La férocité du comité de salut public ayant soulevé tous les esprits, tous s’égarèrent dans ce soulèvement, et la terreur fut nécessaire pour les comprimer. Mais, avec la justice, le soulèvement n’eût pas existé, si l’on n’eût pas eu besoin, pour prévenir de grands dangers, de recourir à d’affreux remèdes.

La terreur causa la révolte de Lyon, l’insurrection départementale, la guerre de la Vendée ; et pour soumettre Lyon, pour dissiper la coalition des départements, pour étouffer la Vendée, il fallut la terreur.

Mais, sans la terreur, Lyon ne se fût pas insurgé, les départements ne se seraient pas réunis, la Vendée n’eût pas proclamé Louis XVII.

Encore la concession que je viens de faire est-elle inexacte. La terreur a dévasté la Vendée ; mais ce n’est qu’après la terreur que la justice l’a pacifiée.

« Un autre effet de la terreur, nous dit-on, fut de détruire les anciennes habitudes, et de donner aux nouvelles coutumes autant de force que l’habitude eût pu le faire. Dix-huit mois de terreur suffirent pour enlever au peuple des usages de plusieurs siècles, et pour lui en donner que plusieurs siècles auraient eu peine à établir. Sa violence en fit un peuple neuf[1]. »

  1. Des causes de la Révolution, p. 44.