Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

versement révolutionnaire, est une tentative très-utile, et j’ai devancé mes adversaires dans cette route. Mais prétendre que ces égarements, en eux-mêmes, étaient une chose salutaire, indispensable, leur attribuer tout le bien qui s’est opéré dans le même temps, est, de toutes les théories, la plus funeste.

La terreur, réduite en système et justifiée sous cette forme, est beaucoup plus horrible que la violence féroce et brutale des terroristes, en cela que, partout où ce système existera, les mêmes crimes se renouvelleront ; au lieu que les terroristes peuvent fort bien exister, sans que la terreur se renouvelle. Ses principes consacrés seront éternellement dangereux. Ils tendent à égarer les plus sages, à pervertir les plus humains. L’établissement d’un gouvernement révolutionnaire ferait sortir du milieu de la nation la plus douce en apparence, des monstres tels que nous en avons vus ; la loi du 22 prairial créerait des juges bourreaux parmi les peuples les moins féroces. Il est un degré d’arbitraire qui suffit pour renverser les têtes, corrompre les cœurs, dénaturer toutes les affections. Les hommes, ou les corps, revêtus de pouvoirs sans bornes, deviennent ivres de ces pouvoirs. Il ne faut jamais supposer que, dans aucune circonstance, une puissance illimitée puisse être admissible ; et dans la réalité jamais elle n’est nécessaire.

Mais si les principes de la terreur sont immuables, et doivent en conséquence être éternellement réprouvés, ses sectaires, étant hommes, et en cette qualité mobiles, peuvent être influencés, ramenés, comprimés. C’est donc l’indulgence pour les hommes qu’il faut inspirer, et l’horreur pour les principes. Par quel étrange renversement fait-on tout à coup précisément le contraire ? On poursuit une race, jadis fanatique et furieuse, mais pas-