Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DE LA DÉTENTION.

La détention est, de toutes les peines, celle qui se présente le plus naturellement à l’esprit et qui semble la plus simple. Elle est nécessaire avant le jugement, comme mesure de sûreté. Elle a l’avantage de mettre la société à l’abri des attentats des coupables qui ont déjà violé ses lois ; car on sent bien que je ne parle ici que des détentions légales, et non des détentions arbitraires. Enfin, les détenus, séparés du reste des citoyens, sont entourés d’une espèce de nuage qui les dérobe aux regards et bientôt à la pitié.

Il en résulte que la détention est, de toutes les peines, celle dont l’abus est le plus fréquent et le plus facile. Son apparente douceur est un danger de plus. Quand vous lisez dans la sentence d’un tribunal que tel coupable est condamné à cinq ans de prison, vous représentez-vous combien de supplices différents cette condamnation renferme ? Non. Vous imaginez simplement un homme retenu dans une chambre et n’ayant pas la faculté d’en sortir. Que diriez-vous si la sentence portait : Non-seulement tel homme sera, durant cinq années, arraché à sa famille, privé de toutes les jouissances de la vie, et mis hors d’état de pourvoir à son existence future, qui, par l’interruption qu’il rencontre dans sa carrière, de quelque nature qu’elle soit, sera plus déplorable peut-être quand vous le rendrez à la liberté, qu’elle ne l’était le premier jour qui a vu commencer sa peine : mais, de plus, il sera soumis à un régime essentiellement arbitraire, quelques précautions que les lois aient prises : il subira le caprice et l’insolence de