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est trop lent, trop entravé, trop embarrassé dans ses mouvements, pour suivre les calculs déliés et les manœuvres rapides de l’intérêt individuel. Quand il veut lutter de corruption avec les particuliers, celle de ces derniers est toujours la plus habile. La seule politique de la force, c’est la loyauté.

Le premier effet d’une défaveur jetée sur un genre de commerce, c’est d’en écarter tous les commerçants que l’avidité ne séduit pas. Le premier effet d’un système d’arbitraire, c’est d’inspirer à tous les hommes intègres le désir de ne pas rencontrer cet arbitraire, et d’éviter les transactions qui pourraient les mettre en rapport avec cette terrible puissance[1].

Les économies fondées sur la violation de la foi publique ont trouvé dans tous les pays leur châtiment infaillible dans les transactions qui les ont suivies. L’intérêt de l’iniquité, malgré ses réductions arbitraires et ses lois violentes, s’est payé toujours au centuple de ce qu’aurait coûté la fidélité.

J’aurais dû, peut-être, mettre au nombre des atteintes portées à la propriété l’établissement de tout impôt inutile ou excessif. Tout ce qui excède les besoins réels, dit un écrivain, dont on ne contestera pas l’autorité sur cette matière[2], cesse d’être légitime. Il n’y a d’autre différence entre les usurpations particulières et celles de l’autorité, sinon que l’injustice des unes tient à des idées simples, et que chacun peut aisément concevoir, tandis que les autres étant liées à des combinaisons compliquées, personne ne peut en juger autrement que par conjecture.

  1. Voir sur les résultats des révocations et annulations de traités, l’excellent ouvrage sur le Revenu public, par M. Ganilh, t. I, p. 303.
  2. Necker, Administ. des finances, t. I, p. 2.