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CINQUIÈME PARTIE




I


DE L’INVIOLABILITÉ DES PROPRIÉTÉS.

Plusieurs de ceux qui ont défendu la propriété, par des raisonnements abstraits, me semblent être tombés dans une erreur grave : ils ont représenté la propriété comme quelque chose de mystérieux, d’antérieur à la société, d’indépendant d’elle. Aucune de ces assertions n’est vraie. La propriété n’est point antérieure à la société, car sans l’association qui lui donne une garantie, elle ne serait que le droit du premier occupant, en d’autres mots, le droit de la force, c’est-à-dire un droit qui n’en est pas un. La propriété n’est point indépendante de la société, car un état social, à la vérité très-misérable, peut être conçu sans propriété, tandis qu’on ne peut imaginer de propriété sans état social[1].

  1. Il y a une erreur dans cette doctrine ; Benjamin Constant confond le droit et la garantie. Il est vrai qu’en dehors de la société, la propriété est sans défense. En existe-t-elle moins pour cela ? Robinson, dans son île, n’est-il pas le propriétaire légitime