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térêt de la plupart de ceux qui spéculent sur le secours du gouvernement est de tromper le gouvernement. Le travail et le succès sont l’unique ressource des premiers. L’exagération ou la faveur sont pour les seconds une ressource beaucoup plus certaine et surtout plus rapide. Le système des encouragements est encore, sous ce rapport, un principe d’immoralité.

Il est possible, je ne le nie pas, que l’industrie des individus, privée de tout secours étranger, s’arrête quelquefois devant un obstacle ; mais d’abord elle se tournera vers d’autres objets, et l’on peut compter, en second lieu, qu’elle rassemblera ses forces pour revenir tôt ou tard à la charge et surmonter la difficulté. Or, j’affirme que l’inconvénient partiel et momentané de cet ajournement ne sera pas comparable au désavantage général du désordre et de l’irrégularité que toute assistance artificielle introduit dans les idées et dans les calculs.

Des raisonnements, à peu près pareils, trouvent leur application dans la seconde hypothèse qui, au premier coup d’œil, paraît encore bien plus légitime et plus favorable. En venant au secours des classes industrielles ou agricoles, dont les ressources ont été diminuées par des calamités imprévues et inévitables, le gouvernement affaiblit d’abord en elles le sentiment qui donne le plus d’énergie et de moralité à l’homme, celui de se devoir tout à soi-même et de n’espérer qu’en ses propres forces ; en second lieu, l’espoir de ces secours engage les classes souffrantes à exagérer leurs pertes, à cacher leurs ressources, et leur donne, de la sorte, un intérêt au mensonge. J’accorde que ces secours soient distribués avec prudence et parcimonie ; mais l’effet qui n’en sera pas le même pour l’aisance des individus en sera le même pour leur moralité. L’autorité