Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fondis, discutés sous toutes leurs faces, et qu’on ne l’a pas condamnée à s’agiter au milieu d’objections que personne ne réfute, parce que personne n’a osé les proposer.

En second lieu, quand le gouvernement n’a que des défenseurs privilégiés, il n’a qu’un nombre limité de défenseurs, et le hasard peut faire qu’il n’ait pas choisi les plus habiles. Il y a d’ailleurs des hommes, et ces hommes ont bien autant de valeur que d’autres, il y a des hommes qui défendraient volontiers ce qui leur paraît bon, mais qui ne veulent pas s’engager à ne rien blâmer. Quand le droit d’écrire dans les journaux n’est accordé qu’à cette condition, ces hommes se taisent. Que le gouvernement ouvre la lice, ils y entreront pour tout ce qu’il fera de juste et de sage. S’il a des adversaires, il aura des soutiens. Ces soutiens le serviront avec d’autant plus de zèle, qu’ils seront plus volontaires ; avec d’autant plus de franchise, qu’ils seront plus désintéressés ; et ils auront d’autant plus d’influence, qu’ils seront plus indépendants.

Mais cet avantage est inconciliable avec une censure quelle qu’elle soit. Car, dès que les journaux ne sont publiés qu’avec l’autorisation du gouvernement, il y a de l’inconvenance et du ridicule à ce que le gouvernement fasse écrire contre ses propres mesures. Si le blâme allégué contre elles paraît fondé, on se demande pourquoi le gouvernement les a prises, puisqu’il en connaissait d’avance les imperfections. Si les raisonnements sont faibles ou faux, on soupçonne l’autorité de les avoir affaiblis pour les réfuter.

Je passe à une troisième considération, beaucoup plus importante que toutes les précédentes. Mais je dois prier le lecteur de ne former aucun jugement, avant de m’avoir lu jusqu’au bout ; car les premières lignes pourront lui suggérer des arguments plausibles en appa-