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n’exclut point la répression des délits dont la presse peut être l’instrument. Les lois doivent prononcer des peines contre la calomnie, la provocation à la révolte, en un mot, contre tous les abus qui peuvent résulter de la manifestation des opinions. Ces lois ne nuisent point à la liberté ; elles la garantissent au contraire. Sans elles, aucune liberté ne peut exister.

J’avais envie de restreindre mes observations aux journaux seuls et de ne point parler des pamphlets ; car la force des choses plaidera bientôt en faveur de ces derniers plus éloquemment que je ne pourrais le faire. On ne veut assurément pas renouveler un espionnage qui excéderait les pouvoirs, compromettrait la dignité, contrarierait les intentions équitables d’un gouvernement sage et éclairé. On veut encore moins faire succéder à cet espionnage des actes de rigueur, qui, disproportionnés aux délits, révolteraient tout sentiment de justice,

    se montrant favorables aux progrès de l’instruction, et très-sensibles à la gloire de la littérature nationale, les rois ne favorisaient l’instruction et les lettres qu’à la condition expresse qu’elles seraient monarchiques et catholiques. Après avoir encouragé la propagation de l’imprimerie, les rois s’effrayèrent de ce nouvel instrument de propagande, et les édits de 1565, 1571, 1612, 1727, 1737, 1781, posèrent en principe que nul dans le royaume ne pouvait publier un livre sans en avoir obtenu l’autorisation et l’avoir fait examiner. Les écrivains, les imprimeurs et les libraires furent quelquefois assimilés aux plus grands criminels, et la déclaration du 16 avril 1757 édicta la peine de mort contre les imprimeurs qui publiaient des livres contraires à la religion, propres à émouvoir les esprits, à donner atteinte à l’autorité royale et à troubler l’ordre publie. Les premières protestations contre le système de compression à outrance datent en France des premières années du seizième siècle et des écrivains protestants. Elles se reproduisent avec une extrême énergie au dix-huitième siècle, et se formulent dans les cahiers des États généraux, sous le nom nouveau de Liberté de la presse. Le clergé seul se montra hostile à cette liberté, les deux autres ordres la réclamèrent avec insistance. Voir Cahiers des États généraux, Paris, 1866, t. II, à la table au mot Liberté de la presse.

    (Note de l’éditeur.)