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core restée fidèle aux véritables principes. Il n’est pas bon de mettre dans l’homme la religion aux prises avec l’intérêt pécuniaire. Obliger le citoyen à payer directement celui qui est, en quelque sorte, son interprète auprès de Dieu qu’il adore, c’est lui offrir la chance d’un profit immédiat s’il renonce à sa croyance ; c’est lui rendre onéreux des sentiments que les distractions du monde pour les uns, et ses travaux pour les autres, ne combattent déjà que trop. On a cru dire une chose philosophique, en affirmant qu’il valait mieux défricher un champ que payer un prêtre ou bâtir un temple ; mais qu’est-ce que bâtir un temple, payer un prêtre, sinon reconnaître qu’il existe un être bon, juste et puissant, avec lequel on est bien aise d’être en communication ? J’aime que l’État déclare, en salariant, je ne dis pas un clergé, mais les prêtres de toutes les communions qui sont un peu nombreuses, j’aime, dis-je, que l’État déclare ainsi que cette communication n’est pas interrompue, et que la terre n’a pas renié le ciel.

Les sectes naissantes n’ont pas besoin que la société se charge de l’entretien de leurs prêtres. Elles sont dans toute la ferveur d’une opinion qui commence et d’une conviction profonde. Mais dès qu’une secte est parvenue à réunir autour de ses autels un nombre un peu considérable de membres de l’association générale, cette association doit salarier la nouvelle église. En les salariant toutes, le fardeau devient égal pour tous, et au lieu d’être un privilège, c’est une charge commune et qui se répartit légalement.

Il en est de la religion comme des grandes routes ; j’aime que l’État les entretienne, pourvu qu’il laisse à chacun le droit de préférer les sentiers.