jours été marquée par des troubles et par des malheurs. C’est que l’autorité s’en est mêlée. À sa voix, par son action indiscrète, les moindres dissemblances jusques alors innocentes et même utiles sont devenues des germes de discorde.
Frédéric Guillaume, le père du grand Frédéric, étonné de ne pas voir régner dans la religion de ses sujets la même discipline que dans ses casernes, voulut un jour réunir les luthériens et les réformés : il retrancha de leurs formules respectives ce qui occasionnait leurs dissentiments et leur ordonna d’être d’accord. Jusqu’alors ces deux sectes avaient vécu séparées, mais dans une intelligence parfaite. Condamnées à l’union, elles commencèrent aussitôt une guerre acharnée, s’attaquèrent entre elles, et résistèrent à l’autorité. À la mort de son père, Frédéric II monta sur le trône ; il laissa toutes les opinions libres ; les deux sectes se combattirent sans attirer ses regards ; elles parlèrent sans être écoutées : bientôt elles perdirent l’espoir du succès et l’irritation de la crainte ; elles se turent, les différences subsistèrent, et les dissensions furent apaisées.
En s’opposant à la multiplication des sectes, les gouvernements méconnaissent leurs propres intérêts. Quand les sectes sont très-nombreuses dans un pays, elles se contiennent mutuellement, et dispensent le souverain de transiger avec aucune d’elles. Quand il n’y a qu’une secte dominante, le pouvoir est obligé de recourir à mille moyens pour n’avoir rien à en craindre. Quand il n’y en a que deux ou trois, chacune étant assez formidable pour menacer les autres, il faut une surveillance, une répression non interrompue. Singulier expédient ! vous voulez, dites-vous, maintenir la paix, et pour cet effet vous empêchez les opinions de se subdiviser de