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personne, et il était plus riche que moi. J’en conclus qu’il faudra que je n’écoute pas les bruits qu’on fera courir dans l’assemblée même. Je mettrai tous mes soins à bien savoir les faits d’ici là ; mais une fois décidé, je ne me laisserai plus ébranler. Si je me laissais ébranler, le moment du scrutin passerait, et quand je découvrirais qu’on m’a pris pour dupe, il serait trop tard. Je me souviens encore que nous étions deux cents électeurs, sur quatre à cinq cents, résolus à nommer un très-brave homme : un faux frère se glissa parmi nous, et nous dit, en nous montrant le plus grand chagrin, que les trois cents électeurs dont nous ne connaissions pas les intentions avaient donné leurs voix à un autre, et que nommer notre candidat serait peine perdue. Nous ne voulûmes pas perdre notre voix. Nous nous reportâmes sur celui que nous croyions élu, et qui valait bien moins que le nôtre. Au dépouillement du scrutin, il se trouva que celui que nous aurions préféré avait eu cent voix de l’autre côté, et que c’était nous qui lui avions ôté la majorité en l’abandonnant. Je ne prêterai l’oreille à aucun conte de ce genre. Je resterai fidèle à mes choix ; j’aime mieux perdre ma voix en nommant celui que je veux, qu’en nommant celui que je ne veux pas.

Une autre fois on vint nous dire que, si nous nommions tel ou tel homme, nous offenserions le gouvernement : cela nous fit peur ; nous en choisîmes un autre. Quatre jours après, le président de notre assemblée, ayant vu les ministres, vint nous dire qu’on aurait trouvé fort bonne la nomination que nous avions voulu faire. Je n’écouterai point ceux qui viendront me parler des prétendues intentions du gouvernement : il veut le bien, il veut donc que j’agisse suivant ma conscience.

Enfin, je n’ai pas oublié que la seconde fois que j’étais