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conquêtes de 89. L’opinion publique réclama l’exécution des garanties stipulées dans la Charte ; la Chambre introuvable fut dissoute le 5 septembre 1816. Benjamin Constant revint à Paris et se consacra tout entier à la défense des principes qu’il n’avait jamais cessé d’affirmer sous les précédents régimes. Quelques fautes que Louis XVIII et ses ministres eussent commises, il ne voulait point renverser la nouvelle royauté, car il savait trop ce que coûtent les révolutions. Le gouvernement constitutionnel était à ses yeux une machine essentiellement perfectible, dont il faut régler et améliorer le fonctionnement par les moyens légaux, sans en briser les rouages dans des explosions de colère. La Charte, malgré ses dispositions restrictives, lui paraissait offrir des garanties dont il fallait se contenter pour le moment, et comme il se plaçait sur le terrain de la légalité, il voulait y maintenir le pouvoir. De 1797 à 1814, il avait développé ses théories politiques dans les remarquables écrits qui portent pour titres : Des effets de la terreur ; Des réactions politiques ; De l’esprit de conquête et de l’usurpation. Il reprit son travail au point de vue de la situation nouvelle, et de 1815 à 1818, il publia les Principes de politique ; les Réflexions sur la Constitution ; la Responsabilité des ministres ; les questions sur la législation de la presse. Il donnait en même temps de nombreux articles de discussion au Mercure, à la Minerve ; il expliquait dans les Lettres sur les Cent-Jours sa conduite après le 20 mars, et reprenant le rôle que Voltaire avait joué dans l’affaire de Calas, il arrachait à la mort Wilfrid Regnault, condamné comme assassin, sur de fausses dénonciations lancées par des personnages en crédit. Chaque nouvelle brochure, chaque nouvel article étaient accueillis par le public, non pas seulement avec l’avide curiosité que soulèvent de grands débats politiques, mais avec une sorte de reconnaissance et de respect ; la France comptait sur Benjamin Constant, et le département de la Sarthe l’envoya, en 1819, siéger à la Chambre, à côté de Manuel et du général Foy.

« Benjamin Constant, dit M. de Cormenin dans le Livre des orateurs, a été, de tous les orateurs de la gauche, le plus spirituel, le plus ingénieux et le plus fécond. Il avait le corps fluet, les jambes grêles, le dos voûté, de longs bras. Des cheveux blonds et bouclés tombaient sur