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ruinerait. Je nommerai donc pour députés des hommes bien décidés à maintenir cet article de la Charte.

On m’a beaucoup parlé depuis quelque temps d’une autre liberté, qu’on appelle celle de la presse et des journaux. Autrefois je ne m’y intéressais guère ; mais il me revient à l’esprit que, sous Bonaparte, j’avais une affaire dans le Calvados. Un de mes correspondants m’avait indiqué, du mieux qu’il avait pu, qu’il y avait de l’agitation dans cette contrée. Pour être bien au fait, je consulte les journaux ; et voilà que le Journal de l’Empire m’apprend que tout y est parfaitement tranquille. Je me mets en route à cheval, sur cette assurance. Je trouve près de Caen, en 1811, le peuple en rumeur, la gendarmerie tirant des coups de fusil à des insurgés, les insurgés répondant par des coups de pierres dont quelques-unes m’atteignent. Me voyant venir du côté de Paris, on me prend pour un agent de la police. Je m’enfuis ; mais les gendarmes qui m’aperçoivent me prennent pour un des chefs des rebelles. Je passe vingt jours en prison : l’on me traduit devant une cour qui s’appelait alors spéciale : je suis néanmoins acquitté. Je reviens à Paris, et je lis dans mon journal que depuis un mois l’union la plus touchante règne dans le Calvados. Je conclus de ce fait que si les journaux avaient dit la vérité, je n’aurais pas entrepris ce malencontreux voyage. Tout bien pesé, je nommerai pour députés ceux qui veulent la liberté des journaux.

Je n’ai point acheté de biens nationaux ; j’ai toujours réservé tous mes capitaux pour mon commerce. Mais, en 1813, un de mes oncles m’a laissé en mourant une créance de 20 000 francs sur l’acquéreur d’une abbaye : cette créance devait être remboursée fin de 1815 ; j’en ai demandé le remboursement ; mon débiteur avait bonne volonté, mais il manquait de fonds ; il a voulu