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V


ENTRETIEN D’UN ÉLECTEUR AVEC LUI-MÊME.

Je suis électeur, je ne l’étais pas il y a deux ans. Bonaparte m’avait enlevé ce droit en établissant ses colléges électoraux. Je ne concourais donc plus en rien aux choix de ceux qui prétendaient me représenter. Ces choix se faisaient en haut, sans que j’y eusse part. Mon industrie servait l’État ; mais elle était favorisée ou gênée par des lois sur lesquelles on ne me consultait pas. Je payais les impôts ; mais l’assiette, la nature, la répartition de ces impôts m’étaient étrangères. Nommés par des colléges électoraux qui m’étaient fermés, mes députés n’avaient nul lien avec moi. Ils ne me demandaient point mon suffrage. Je n’en avais point à donner.

Tout est changé. Je vais concourir au choix de mes députés. Les candidats sentent mon importance : ils me sollicitent : ils entrent en explication : ils recueillent mon vœu sur mes intérêts. Pour la première fois, depuis dix-sept ans, je suis quelque chose dans l’État.

Maintenant voyons ce que j’ai à faire :

Je n’ai guère le temps de lire. Je m’en tiens aux faits que j’ai vus et à mon expérience.