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plaire à la partie passionnée du peuple, en s’abandonnant à son impulsion, ou même en la devançant ; le dépit que lui inspire la résistance qu’elle rencontre, ou la censure qu’elle soupçonne ; alors l’opposition au sens national, et l’obstination dans l’erreur ; tantôt l’esprit de parti, qui ne laisse de choix qu’entre les extrêmes ; tantôt l’esprit de corps, qui ne donne de forces que pour usurper ; tour à tour la témérité ou l’indécision, la violence ou la fatigue, la complaisance pour un seul, ou la défiance contre tous ; l’entraînement par des sensations purement physiques, comme l’enthousiasme ou la

    député venu, se lancent dans la tranchée, prennent la loi à la sape et la renversent sur le dos ou sur le flanc. L’amendement est-il bon, eh ! qu’importe ? N’est-il pas toujours bon, si c’est l’un des nôtres qui le présente ? En comprenez-vous la portée ? pas le moins du monde ! S’agence-t-il avec ce qui précède et ce qui suit ? nullement ! Celui qui l’a fait, sait-il ce qu’il veut ôter avant de savoir ce qu’il veut mettre ? il ne le sait non plus que vous ni moi ! Nous donnerez-vous au moins une demi-minute de lecture, une seconde d’examen ? non, pas une minute, pas une seconde ! Eh ! qu’importe, vous dis-je, que vous sachiez ce que c’est que cet amendement, si c’est un des nôtres qui le présente ? Aussi, plongez la vue dans notre chaos législatif, y a-t-il une loi, par exemple, plus surchargée de détails et plus impraticable que la loi sur la garde nationale ? En moins de dix ans, on a retouché deux fois à la loi sur le recrutement. On a remanié deux fois aussi la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. Que de lacunes, malgré leurs inutilités, dans les lois sur les élections municipales et sur les chemins vicinaux ? Est-il possible d’avoir mieux brouillé les compétences qu’on ne l’a fait dans la loi sur l’instruction primaire ? les lois relatives à la propriété littéraire, aux faillites, à la réforme judiciaire, au travail des enfants dans les manufactures, à la chasse, aux patentes, à la responsabilité des ministres et de leurs Agents, ne laissent absolument rien à désirer sous le rapport des vices du plan, de l’impropriété des termes, de l’inintelligence des amendements, de l’imprévu des conséquences et de l’impuissance de l’exécution. Faut-il ajouter qu’il y a dans toutes ces lois, presque sans exception, une quantité plus considérable qu’on ne le croit de dispositions purement réglementaires que la législature a usurpées par le laisser-aller du gouvernement, et par mauvaise habitude plutôt que par mauvaise intention. »

    (Note de l’éditeur.)