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invoqué les principes que depuis l’établissement de la monarchie constitutionnelle en France ; et que sous la république ou sous l’empire, j’avais été plus indulgent pour les mesures de circonstance.

Voici ce que j’écrivais, sous le directoire, au moment où des commissions militaires étaient encore assemblées pour juger des conspirations vraies ou supposées : car, depuis trente ans, il ne s’est pas écoulé six mois sans qu’on nous ait parlé de conspiration, et cela doit toujours arriver dans un pays où il existe un ministère particulier qui perdrait son importance s’il n’y avait pas de conspirateurs. Dans un tel pays, on ne se contentera pas de sévir contre les complots réels pour sauver l’État ; on en inventera pour sauver le ministère.

« Lors de la conspiration de Babeuf, écrivais-je[1], des hommes s’irritaient de ce qu’on observait la lenteur des formes. Si les conspirateurs avaient triomphé, s’écriaient-ils, auraient-ils observé contre nous ces formes dilatoires ? Et c’est précisément parce qu’ils ne les auraient pas observées, que vous devez les observer. C’est là ce qui vous distingue, c’est là, uniquement là, ce qui vous donne le droit de les punir : c’est là ce qui fait d’eux, des ennemis, de vous, des amis de l’ordre. Lors de la conspiration du 1er  prairial an III[2], l’on créa, pour juger les conspirateurs, des commissions militaires, et les réclamations de quelques hommes scrupuleux et prévoyants ne furent pas écoutées. Ces commissions militaires enfantèrent les conseils militaires du 13 vendémiaire an IV. Ces conseils mili-

  1. Des Réactions politiques, 2e  édition, p. 87.
  2. On sait que les restes de la faction de Robespierre marchèrent, en mai 1795, contre la convention, et massacrèrent un de ses membres. Ce fut alors que M. Boissy d’Anglas déploya contre l’anarchie le courage qui a commencé à rendre célèbre un nom qu’il n’a pas moins honoré depuis dans la défense de la liberté.