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pêché. C’est précisément son existence qui a pu en rendre l’application modérée. » Où nous conduit ce raisonnement ? À consacrer les lois d’exception dans toutes les circonstances : dans les temps calmes, parce que la crainte de ce pouvoir prévient le désordre ; dans les temps orageux, parce que l’exercice de ce même pouvoir rétablit le calme. Autant vaut dire que nous ne sortirons jamais de ces lois, invoquées tour à tour comme précaution et comme remède.

Toutes nos autorités précédentes se sont mal trouvées de ces voies extra-constitutionnelles : et un homme dont l’opinion sur la légitimité n’est pas suspecte, M. de Villèle, a dit à la tribune que la légitimité sur le trône ne pouvait donner seule à nos institutions la force de résister à des causes destructives de tous les gouvernements. Or, les lois d’exception sont des causes destructives de tous les gouvernements. Elles les ont tous perdus jusqu’à ce jour. Il ne faut pas les choisir pour maintenir le nôtre. La force d’une constitution est dans l’attachement du peuple. Un peuple ne s’attache à une constitution que par la jouissance. Il ne croit point à une constitution dont il ne jouit pas.

L’on prétend que ce n’est point après une révolution longue et violente qu’on peut appliquer avec scrupule les principes constitutionnels, et qu’il faut, à de pareilles époques, investir le gouvernement d’une puissance discrétionnaire. J’affirme que c’est précisément alors que la fidélité la plus stricte aux principes constitutionnels est