public n’en a pas moins reçu l’ébranlement salutaire qui le ranime et le purifie, la morale sociale n’en a pas moins obtenu l’hommage éclatant du pouvoir traduit à sa barre et flétri par sa sentence.
M. Hastings n’a pas été puni : mais cet oppresseur de l’Inde a paru à genoux devant la chambre des pairs, et la voix de Fox, de Sheridan et de Burke, vengeresse de l’humanité longtemps foulée aux pieds, a réveillé dans l’âme du peuple anglais les émotions de la générosité et les sentiments de la justice, et forcé le calcul mercantile à pallier son avidité et à suspendre ses violences[1].
Lord Melville n’a pas été puni, et je ne veux point contester son innocence. Mais l’exemple d’un homme vieilli dans la routine de la dextérité et dans l’habileté des spéculations, et dénoncé néanmoins malgré son adresse, accusé malgré ses nombreux appuis, a rappelé à ceux qui suivaient la même carrière, qu’il y a de l’utilité dans le désintéressement et de la sûreté dans la rectitude[2].
- ↑ Warren Hastings, né en 1733, gouverneur du Bengale en 1772, et gouverneur général des Indes en 1774 ; il fut rappelé en Angleterre en 1786, à cause des violences qu’il exerçait sur les indigènes. Traduit devant le Parlement, il fut acquitté après douze ans de débats : son procès lui coûta 17 000 000 liv., mais la Compagnie des Indes lui fit une pension de 125 000 liv. L’éloge que donne ici Benjamin Constant au peuple anglais ne peut être admis qu’avec réserve, car Hastings, malgré ses violences, est resté populaire chez ses compatriotes, parce qu’il est l’un des gouverneurs de l’Inde qui ont le plus contribué à l’extension de la puissance britannique. (Note de l’éditeur.)
- ↑ Henri Dundas, vicomte de Melville, né en 1741, mort en 1811. Trésorier de la marine en 1782, secrétaire d’État de l’intérieur en 1791, gouverneur de la banque d’Écosse, ministre de la guerre en 1794, il fut accusé, en 1806, de malversation dans l’emploi des deniers publics, et traduit devant la Chambre des lords, qui prononça son acquittement, mais le condamna à résigner tous ses emplois. (Note de l’éditeur.)