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Les ministres peuvent encourir l’accusation, et mériter d’être poursuivis, de trois manières :

1o  Par l’abus ou le mauvais emploi de leur pouvoir légal ;

2o  Par des actes illégaux, préjudiciables à l’intérêt public, sans rapport direct avec les particuliers ;

3o  Par des attentats contre la liberté, la sûreté et la propriété individuelle.

Cette dernière espèce de délit n’ayant aucun rapport avec les attributions dont les ministres sont revêtus légalement, ils rentrent à cet égard dans la classe des citoyens, et doivent être justiciables des tribunaux ordinaires.

Il est certain que si un ministre, dans un accès de passion, enlevait une femme, ou si dans un accès de colère il tuait un homme, il ne devrait pas être accusé comme ministre, d’une manière particulière, mais subir, comme violateur des lois communes, les poursuites auxquelles son crime serait soumis par les lois communes, et dans les formes prescrites par elles.

Or, il en est de tous les actes que la loi réprouve, comme de l’enlèvement et de l’homicide. Un ministre qui attente illégalement à la liberté ou à la propriété d’un citoyen ne pèche pas comme ministre ; car aucune de ses attributions ne lui donne le droit d’attenter illégalement à la liberté ou à la propriété d’un individu. Il rentre donc dans la classe des autres coupables, et doit être poursuivi et puni comme eux.

Il faut remarquer qu’il dépend de chacun de nous d’attenter à la liberté individuelle. Ce n’est point un privilège particulier aux ministres. Je puis, si je veux, soudoyer quatre hommes pour attendre mon ennemi au coin d’une rue, et l’entraîner dans quelque réduit obscur où je le tienne enfermé à l’insu de tout le monde. Le