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architecture phalanstérienne.

pas pour valant quelque chose les grandes déclamations que font, par le temps qui court, au nom de la poésie, contre les mathématiques et les sciences exactes, tant de hannetons littéraires et de petits poètes essoufflés. — Il est bien vrai que l’école scientifique actuelle, matérialiste et fragmentaire, a voulu et veut encore, avec ses données arbitraires et la négation d’un plan d’ensemble pensé et préétabli, exiler Dieu de la création ; il est bien vrai qu’elle a desséché, fracturé, rapetissé la science. Mais que l’on se place, pour voir la science, à ce haut point de vue de Pythagore, de Képler et de Fourier, qu’on s’élève jusque-là, et l’on pourra dire si la science est hostile à la poésie ! — Et même, je le veux encore, que l’on se tienne au point de vue de l’école newtonienne ; que des littérateurs si ridicules quand ils entrent tout ambrés, tout parfumés, tout pommadés, dans le domaine de la science où ils ne voient goutte, lisent seulement l’astronomie d’Herschell, — s’ils peuvent comprendre, — et ils verront s’ils ont bonne grâce avec leurs airs et leurs dédains[1].

Prétendre parquer en deux camps hostiles la science et la poésie, c’est chose bien digne d’un siècle qui veut cantonner, en opposition aussi, dans le domaine social, l’ordre et la liberté. — L’ordre n’est qu’un mot absurde sans la liberté. Ce sont deux faits liés et solidaires. Or, dans la création, la poésie est aux mathématiques ce

  1. Ceci ne s’adresse pas à tous nos littérateurs : il est parmi eux plus d’un homme sensé. Je crois même juste de dire qu’aucune époque n’a présenté une plus riche collection de talens que la nôtre, en a prodigieusement perfectionné la forme : malheureusement les idées manquent souvent, et la phrase envahit tout. On veut faire à toute force du senti, du profond, et l'on sert en pâture au public mille petites théories plus vaines et plus puériles les unes que les autres. Le public, d’ailleurs, consomme tout ; il se montre fort débonnaire. Et puis il n’y a pas de critique, pas de saine critique, j’entends. Cette dernière assertion pourra paraître impertinente à ceux qui se sont constitués les juges du camp, et qui tiennent en main les trompes et les trompettes ; elle me vaudra peut-être plus de ho-