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quand, au nom de mes concitoyens indignés, je repousse l’opprobre, dont on voudrait les couvrir.

Nous voulons tous la liberté, mais nous la voulons pour tous, pour l’homme blanc comme pour l’homme noir ; nous ne voulons pas que, dans votre injuste partialité, vous puissiez transformer la tribune nationale en un siège d’accusation du haut duquel vous nous livrez sans défense à la honte et au mépris public ? Nous voulons tous la liberté, mais nous voulons en même temps l’ordre, la sécurité, le travail, et surtout le bien-être des populations qui nous sont confiées. Nous ne voulons pas que, dans votre aveugle précipitation, vous fassiez de notre malheureux pays une Saint-Domingue sanglante ou une Irlande affamée !

Jetez un regard sur ces contrées paisibles que vous calomniez sans les connaître, et accusez-nous encore de barbarie, si vous l’osez. Tandis que la vieille civilisation de l’Europe plie sous le fardeau de la misère et de la faim, nous vous offrons le spectacle d’une population heureuse et tranquille, traversant sans souffrances et sans secousses les crises d’une situation difficile, dont notre protection tutélaire lui épargne les contre-coups !

Pour répondre à ces dénonciations de quelques crimes isolés dont vous voudriez faire peser sur tous les colons la honteuse responsabilité, ne nous forcez pas à fouiller dans les sombres annales de vos greffes !,… Mais, plus équitables que vous, nous ne demandons pas compte à tout un peuple de ces horribles forfaits, triste et éternel apanage de l’humanité ! Nous laissons à vos tribunaux la représentation de ces lugubres drames. Nous abandonnons à la justice l’œuvre de la répression et de la vengeance ; et, quand elle a prononcé, nous nous taisons et respectons ses arrêts. Plus équitables que vous, nous croyons à l’honneur et à l’impartialité des magistrats ; nous croyons à la conscience des jurés. Nous pensons qu’il faut des preuves pour punir ; de tout accusé nous ne faisons pas un coupable ; de tout innocent acquitté nous ne faisons pas un criminel obtenant grâce de la faiblesse du jury !

Messieurs, vous avez assisté à ce déplorable spectacle ! Vous avez vu une assemblée française souffrir que l’on traduisit à sa barre des citoyens sans défense, et étouffer sous le bruit de ses