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rois… Ce sera une des gloires de votre règne d’avoir su respecter et maintenir ce principe lors de votre avènement au trône !… Un roi, votre aïeul, fut appelé le Juste, et l’histoire ne lui a pas conservé ce surnom parce que sous son règne il y eut des sujets jugés par commissaires… En appliquant aux colonies les bienfaits d’une institution dont vous avez compris la grandeur et la nécessité, vous aurez fait la justice égale pour tous les Français, et vous devrez à notre reconnaissance un titre que la postérité n’effacera pas.

Sire, sous un gouvernement représentatif la représentation est seule un abri, soit pour elle-même, soit pour ceux qui s’y retranchent. À ce titre les colonies étaient mieux protégées par la Charte de 1814 qu’elles ne le sont par celle de 1830 : car, si la première les couvrait par la royauté, la seconde les abandonne sans défense à la merci des chambres. À votre prérogative, qui leur manque, quel autre appui substitueront-elles, si ce n’est celui de leur propre représentation ? Peut-être l’exception de leur régime les exclut-elle d’une assemblée où domine seul le droit commun ? Mais ce motif d’exclusion émané de la bouche d’un ministre organe de votre gouvernement, les colons l’ont accueilli comme une promesse, et non comme un déni : car, s’il répondait à une pétition des colons résidant en France, qui demandaient la représentation directe des colonies, en tenant à l’écart la question d’abolition, il tombe aujourd’hui naturellement devant la même demande que le conseil colonial adresse à Votre Majesté, après lui avoir précédemment offert de marcher avec elle dans la voie de l’abolition.

À toutes ces souffrances morales que les colons viennent d’exprimer à Votre Majesté qu’elle daigne leur permettre de joindre l’expression d’une souffrance matérielle.

La loi des sucres de 1840 a porté ses fruits : encore quelques instants et le sucre indigène aura définitivement chassé du marché la dernière barrique de sucre des colonies. Habitués à l’insouciance et au dédain, les colons ne fatiguaient plus les chambres de demandes qu’ils savaient inutiles ; mais un intérêt puissant, celui de la marine, s’est réveillé, et cet intérêt ne parle jamais