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promesse pour nous ! Une pétition qui demandait la représentation directe, en s’abstenant de l’abolition, concluait dans l’exception, et le ministre était vrai en l’écartant ; mais vous, Messieurs, vos conclusions sont connexes : si vous demandez la représentation, vous demandez en même temps l’abolition ; vous rejetez donc l’exception, vous concluez dans le droit commun, et dès lors la réponse au ministre est en effet une promesse, car, avant tout, le ministre est logicien.

Vous offrez, Messieurs, à la France de marcher avec elle dans la voie de l’abolition, et vous êtes malheureux et pauvres ! Cependant, à des jours déjà anciens, en 1839, un rapporteur éminent, un de ces hommes de conscience qui ont du cœur dans la politique, votre adversaire, — vous le teniez pour tel alors, — néanmoins votre ami toujours, et aujourd’hui surtout votre protecteur, M. de Tocqueville enfin, proclamait que l’abolition devait se faire dans la prospérité des colonies.

La prospérité des colons !… Cela vous amène à l’examen de notre état matériel, car, si tout s’enchaîne dans la prospérité, tout s’enchaîne aussi dans l’infortune !

Il faut le reconnaître, Messieurs, et le reconnaître avec regret, ce n’est pas à la justice, c’est à l’intérêt de la France que les colonies doivent ses propensions. Les colonies, dit-on, sont faites pour les métropoles, et cet axiome égoïste n’a pas de corrélation. Depuis la fatale loi de 1840, rien n’a été fait en faveur des colonies ; cependant elles décroissent successivement, et si enfin la France paraît se réveiller, c’est sous l’impression d’un intérêt personnel en souffrance : sa marine était compromise. Dans ce siècle de concurrence, point de marine possible sans marchés réservés : la France est donc par la force des choses amenée à reporter sur ses colonies le bien indirect qu’elle veut faire directement à sa marine.

Inutile de replacer sous vos yeux l’état comparatif des avantages du sucre indigène vis-à-vis du sucre colonial ; le tableau en quelque sorte statistique que vous en a présenté le développement de la proposition suffit à des esprits exercés.