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les Français de la métropole, pourquoi ne jouiraient-ils pas des mêmes priviléges ? Pourquoi leur refuserait-on de concourir aux lois de leur pays, et surtout de faire entendre leur voix à la tribune nationale quand on y portera les questions qui intéressent plus particulièrement les colonies ?

Je ne vous ai pas encore parlé de l’indemnité, et cependant, vous le comprenez comme moi, abolition et indemnité sont deux choses inséparables. Je ne vous en ai rien dit, parce que pour moi c’est un point sur lequel il n’y a pas de doute possible. Consacrée par la Charte, reconnue par les hommes les plus influents de la France, nous n’avons qu’à demander qu’elle soit comprise dans le projet de loi qui décidera du sort des colonies. Mais il faut que l’on sache que ce n’est pas seulement au point de vue du droit de propriété que l’indemnité est respectable et sacrée ; c’est encore au point de vue de l’intérêt des nouveaux affranchis. Ils ne peuvent attendre leur bien-être que de celui de leurs anciens maîtres, et, en l’état de la fortune des colons, ils seraient aux prises avec la misère, s’il fallait que ceux-ci prissent sur leurs revenus, déjà si réduits, les avantages que l’association ou tout autre mode de rémunération doit assurer aux affranchis. Mais ce n’est pas d’une indemnité qui puisse nous mettre à l’abri du besoin que la France doit seulement se préoccuper : elle doit vouloir que tous ses enfants retirent de leur industrie des bénéfices justes et raisonnables, et elle comprendra que, tant que les colonies gémiront sous le poids de la législation des sucres qui les régit, il n’y aura pour elles que gêne et malaise.

C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous proposer de faire rédiger, pour le Roi, une adresse dont je produis ici la substance en ces termes :


« Sire,

» Le conseil colonial de la Guadeloupe veut se placer à la hauteur des idées qui dominent la France ; il veut s’associer aux vues bienveillantes de la France en faveur de la population soumise à l’esclavage ; il vous offre, au nom de la Guadeloupe, d’entrer immédiatement dans la voie de l’émancipation.