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de la mère esclave, et dans un corps d’atelier, ses enfants affranchis de toute servitude, combleraient la distance qu’il nous était commandé de maintenir, seraient, nous n’hésitons pas à le dire, de l’effet le plus désastreux, et si, comme nous aimons à le penser, la France ne veut pas faire le sacrifice de ses colonies, si elle est obligée de reconnaître qu’elles ne peuvent vivre que par le travail, elle doit s’abstenir de toute mesure qui aurait pour effet de rapprocher ce qui ne peut être réuni sans amener le désordre et, comme conséquence, l’absence de tout travail.

Mais les craintes n’arrêteraient pas les abolitionistes sur la pente où ils sont engagés, et, ne serait-ce que pour prévenir des mesures aussi redoutables, nous ne devons plus hésiter, nous devons céder au torrent qui nous entraîne. Nous sentons le besoin de diriger le mouvement qui nous est imprimé, nous voulons, en le dirigeant, nous éloigner de l’abîme que des mesures précipitées et trop peu réfléchies, dont notre expérience seule peut signaler le danger, ouvriraient sous nos pas. Nous voulons mettre notre concours à la disposition de la France : elle s’empressera, nous n’en doutons pas, de l’accepter, si notre sincérité lui apparaît dans tout son éclat.

C’est, Messieurs, parce qu’à cet égard je comptais sur vous comme je compte sur moi-même, que j’ai eu l’honneur de vous proposer d’offrir au roi, au nom du pays, d’entrer immédiatement dans la voie de l’émancipation.

L’abolition de l’esclavage est aujourd’hui un principe proclamé ; son application seule est subordonnée à une question de temps. Il ne nous appartient pas d’en précipiter la solution ; mais en France l’opinion publique s’est hautement prononcée, le gouvernement lui-même est débordé. Saisissons, pendant qu’il en est temps encore, la direction qu’il convient de donner à la transformation de notre pays emparons-nous de l’initiative des mesures à prendre ; sachons faire apprécier l’utilité de notre concours, et, je le répète, il sera accueilli, parce qu’il est utile, indispensable, non pas seulement aux intérêts des propriétaires, mais à celui des esclaves, dont l’avenir et le bien-être se trouvent entre nos mains.