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claire !… Ce nid de toiles d’araignée peut, sans grands frais, devenir un petit château, fraîchement peint au dedans et au dehors… puis il faudra des chaises commodes, de beaux habits, grasse cuisine, viande à foison, bonne bière à tous les repas, — et qui sait, si l’héritage est rond, du vin et du gibier, — un cheval peut-être, — et devenir un monsieur, avoir un domestique, faire courir ces imbéciles de paysans… Et avec tout cela économiser, car qui ne donne rien garde longtemps et beaucoup… Cécile doit hériter de la moitié de tout : elle est seule de sa branche ; — et si les autres héritiers ne se mettent pas dans mon chemin, j’aurai seulement l’autre moitié ; je ne suis pas de la famille. Mais nous verrons ! Quand je me suis fait engager par l’oncle Jean et que je suis entré dans ce vieux couvent, humble esclave de tous ses désirs et de ses moindres caprices, je lui donnais encore quatre ou cinq années à vivre. Dix années déjà se sont passées depuis lors ; je suis devenu un homme usé, — la moitié ne suffit plus : il me faut tout… — Mais Cécile ! là est le nœud. Il faut me montrer affable envers elle, lui parler de mariage… Comment entamer cela ? Si je l’aimais ! Je crois vraiment que je ressens là quelque chose pour elle. Allons, allons, pas de sottises ; cela ne me réussirait pas. Je ne suis pas assez beau pour risquer l’essai. Il y a d’autres moyens, tout aussi puissants, plus puissants peut-être.

Après une pause, ses traits s’assombrirent tout à coup et, les yeux fixés sur le sol, il murmura :

— Et si rien ne peut la vaincre ? Si tout contrarie mon dessein ?