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avant qu’il pût parler, lugubre bruit dont les sombres voûtes de la chambre renvoyaient l’écho.

Mathias s’était levé et tenait devant la bouche de l’oncle souffrant une écuelle de bois, tandis qu’il tapotait doucement sur son dos. On eût dit qu’il portait au vieillard un amour sans bornes ; sa voix était douce et triste, et il prodiguait au malade des caresses si affectueuses que le fils le plus aimant n’eût pas donné à son père des soins plus inquiets.

La toux s’arrêta enfin ; le pauvre oncle put reprendre haleine. Tout tremblant encore, il saisit la main de Mathias, la pressa dans les siennes, et s’écria d’une voix désespérée, tandis qu’un torrent de larmes coulait sur ses joues creuses :

— Oh ! merci, mon bon ami, toi seul as pitié de moi. Les autres désirent ma mort… Cécile, toi que j’ai aimée comme mon propre enfant, toi aussi tu es une ingrate !… Malheur ! malheur ! ils gaspilleront après ma mort le peu d’argent que j’ai épargné en m’ôtant le pain de la bouche… Mon Dieu ! si je devais mourir avec cette affreuse crainte… Et ils osent dire que je suis riche, Mathias !

— Ils vous appellent le riche ladre…

— Ils croient peut-être que je possède bien cent florins…

— Cinq mille ! dit la veuve.

— Hélas ! hélas ! s’écria le vieillard, c’est ainsi qu’on calomnie la pauvreté et la vertu… Mathias, mon ami, tu sais mieux ce qu’il en est, toi qui partages ma misère et qui m’assistes dans le besoin ?