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en face du goguenard forgeron, et, le menaçant du poing, s’écria :

— Fi ! affreux forgeron que vous êtes ! Il faudrait sans doute qu’ils devinssent tous des ivrognes comme vous, et de mauvais garnements comme ces vagabonds qui n’ont appris chez les soldats qu’à mener mauvaise vie et mettre leurs parents en terre !

Le fils du meunier entra dans une violente colère et allait éclater en grossières invectives contre la hardie jeune fille, mais en cet instant on entendit crier de l’autre côté du chemin :

— Les voilà ! les voilà !

En effet ; dans le lointain, au détour d’un bois, les conscrits venaient d’apparaître sur le chemin et s’approchaient au pas redoublé en chantant et en poussant des cris d’allégresse qui réveillaient tous les échos d’alentour. Quelques-uns jetaient en l’air leurs chapeaux ou leurs casquettes en signe de joie, et tous avaient l’air d’une bande d’ivrognes revenant d’une kermesse. Mais on ne pouvait encore distinguer ceux qui chantaient joyeusement et ceux qui étaient muets et affligés.

Dès l’apparition des conscrits sur la route, parents et amis coururent au-devant d’eux chacun de son côté. Le vieux grand-père ne pouvait avancer aussi vite, bien que Trine le tirât maintenant par la main. Enfin, ne pouvant plus maîtriser son impatience à la vue des mères et des jeunes filles qui embrassaient plusieurs conscrits avec des exclamations de joie, elle abandonna la main du vieillard et se mit à courir de toutes ses forces. À mi-chemin, elle s’arrêta tout à coup, comme si