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La jeune fille montra du doigt dans le lointain, au delà des arbres.

— Là-bas ! derrière le bois… écoutez !

— Je n’entends rien… Viens, pressons-nous plutôt ; ce sont les conscrits. Tant mieux !

— Mon Dieu, mon Dieu, s’écria la jeune fille, j’entends une voix… si triste, si triste ; c’est comme un cri lugubre qui tinte dans mon oreille.

Le grand-père contempla un instant avec un étonnement inquiet la jeune fille, qui semblait écouter des sons lointains. Lui aussi tendit l’oreille pour saisir les bruits qui pouvaient troubler le silence de la bruyère. Tout à coup un radieux sourire éclaira ses traits.

— Innocente ! dit-il. C’est le vent qui fait gémir les sapins.

— Non, non, répondit la jeune fille, plus loin, plus loin, au delà du bois… M’entendez-vous pas cette voix qui se plaint ?

Après un instant d’attention, le vieillard répliqua :

— Je comprends maintenant ce que tu veux dire. C’est le chien du père Nicolas qui hurle une mort ; sa femme, qui a reçu les saintes huiles, sera morte cette nuit. Que Dieu ait son âme !

La jeune fille, qui, grâce à l’exaltation de son âme, avait pris le funèbre hurlement comme le messager d’un malheur assuré, reconnut son erreur. Sans cesser d’essuyer les larmes qui coulaient de ses yeux, elle hâta le pas et suivit silencieusement le vieillard jusqu’à ce que celui-ci lui dit :

— Trine, si tu es si inconsolable, que dira donc