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têtes. Encore une minute et le pont du Jonas allait se changer en une mare de sang.

En ce moment, un cri d’étonnement s’échappa de la poitrine d’un vieux matelot ; il montra du doigt en tremblant l’horizon de la mer et s’écria :

— Capitaine, voyez ! voyez là-bas au sud-ouest !

— Ne détournez pas les yeux de ces furieux ! commanda le capitaine à ses hommes.

Il dirigea rapidement sa lunette d’approche vers le point de l’horizon désigné, et poussa également une exclamation de joie ; il agita son chapeau en l’air, et cria d’une voix qu’on entendit distinctement aux deux extrémités du navire :

— Hourra ! hourra ! délivrance ! Dieu nous envoie de l’eau…, de l’eau et du vent !

À ces mots, un sourire étrange et convulsif détendit les traits des passagers, comme s’ils venaient d’être subitement atteints de folie ; mais les couteaux disparurent, les leviers retombèrent sur le pont ; on pleura, on dansa, on embrassa les matelots, qui s’étaient rapprochés et montraient à tous avec transport un petit nuage noir qui s’était levé