Page:Conscience - Le pays de l'or, 1869.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

murmuraient en eux-mêmes contre des spectres invisibles. Tous demeuraient muets et consternés, et cet affreux silence n’était interrompu que par des imprécations contre la soif de l’or et contre le fatal voyage, ou des soupirs et des cris de regret adressés à la patrie qu’on avait abandonnée si follement.

Vers le soir, Victor fut frappé tout à coup d’une affreuse angoisse. Pendant qu’il était assis sur un banc à côté de son ami et de Donat Kwik, causant tristement de l’heureuse Belgique, de la belle ville d’Anvers et des êtres qui leur étaient chers ; pendant que Jean s’efforçait encore de leur inspirer la confiance et l’espoir, la voix de ce dernier s’altéra tout à coup d’une manière surprenante. Une pâleur mortelle couvrit son visage, ses yeux devinrent vitreux et ses membres se raidirent comme s’il eût été atteint d’une attaque de nerfs. C’étaient les signes de la maladie. Jean Creps, le bon cœur, l’ami fidèle, allait mourir ; peut-être avant que le soleil éclairât de nouveau le pont du Jonas, les monstres marins auraient déjà englouti son cadavre !