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et on oublierait bientôt la misère soufferte. Ces pensées n’empêchèrent pas le courageux Jean de s’écrier qu’il donnerait cinq années de sa vie pour un seau d’eau froide de la pompe de son père.

Celui qui restait ferme et se promenait sur le pont encore satisfait, en apparence, c’était Donat Kwik. Il portait sa ration d’eau dans une bouteille suspendue à son cou par une corde passée sous ses habits, et il la gardait et l’épargnait si soigneusement, que déjà deux fois à la fin du jour il avait rafraîchi Victor et son ami Jean en leur versant une gorgée de sa bouteille.

Interrogé sur la cause de sa force contre la soif, il donna cette explication, qui témoignait au moins d’une très-grande puissance de volonté :

— Donat est un imbécile, je le sais, répondit-il ; mais, quand sa peau est en jeu, il devient malin comme un renard, messieurs, et il se casse la tête pour trouver un moyen de ne pas monter trop tôt au ciel. Je vais vous dire comment je m’y prends. Le matin, je reçois ma ration d’eau, n’est-ce pas ? Vous croyez que je me dépêche de boire, comme les