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gais, les passagers altérés se tordirent les bras avec un rauque murmure de désespoir.

Victor Roozeman supportait son sort avec courage ; mais il pensait plus qu’auparavant aux êtres qui lui étaient chers, et, comme s’il eût voulu familiariser son imagination avec la misère, il parlait continuellement de tout ce qui lui manquait. Il se rappelait, avec un enthousiasme maladif, les belles promenades autour d’Anvers, où il avait rêvé si souvent au bonheur et à l’amour, sous un feuillage frais ; les bords magnifiques de l’Escaut, où l’on respirait l’air en été avec un véritable sentiment de béatitude ; le banc vert dans le petit jardin de sa mère, où, après les heures de travail, il pouvait s’asseoir tranquille, content, et rêver et sourire à ses propres pensées, jusqu’à ce que sa chère mère eût servi sur la table un souper appétissant et délicieux. Jean ne parlait guère ; il trouvait la position terriblement désagréable, à la vérité ; mais ils n’étaient pas les premiers qui fussent restés dans une pareille immobilité pendant quinze jours. Le vent s’élèverait aujourd’hui ou demain,