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sur les vagues qui accouraient à sa rencontre de la pleine mer.

Le capitaine marcha vers le pilote et lui dit :

— La fin de cette folle kermesse est arrivée, Corneille ; qu’on prépare des seaux et des cuves. Il y en a déjà une vingtaine là-bas couchés avec la tête au-dessus de la mer. Vite ! sinon ils vont faire là-dessous un affreux gâchis. 

En effet, la joie et les chansons s’éteignirent en peu de temps. Bientôt, plus de la moitié des passagers furent pris de violentes douleurs d’entrailles et de crampes d’estomac ; ils étaient pâles comme des cadavres, et, pendant les moments de répit que leur laissaient leurs souffrances, ils interrogeaient l’espace d’un regard égaré et stupide, comme pour lui demander l’explication de ce mal mystérieux qui avait refroidi si soudainement leur enthousiasme et soufflé sur leur joie. L’Océan, dont le nébuleux horizon leur apparaissait au loin, leur avait envoyé son messager ordinaire, le mal de mer, pour leur souhaiter la bienvenue sur la plaine liquide.