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que je suis tombé la face dans la boue. Anneken ne me hait pourtant pas ; et moi, de mon côté, je la vois toujours devant mes yeux aussi bien que je vois en ce moment tes deux longues oreilles. Vois-tu, j’étais allé un jour avec ton frère Jean Mul à Malines. En retournant, je trouve, entre Villebrock et Natten-Haesdonck, Anneken, la fille du garde champêtre, en train de pleurer sur le bord du chemin. La pauvre enfant s’était foulé le pied et ne pouvait plus marcher. Je l’aidai à monter sur le dos de Jean Mul. Elle était si contente ! Nous causâmes ensemble pendant tout le long du chemin. Quand elle me regardait de dessus le mulet avec ses petits yeux noirs pleins d’amitié, c’était comme si mon cœur se gonflait et devenait gros comme une tête d’enfant. J’étais heureux, heureux ! Pourquoi ? je ne le sais pas au juste, mais j’étais extrêmement heureux. Tiens, je ne puis pas t’expliquer cela ainsi, tu devrais être un homme pour le comprendre. Il n’est donc pas étonnant que je t’aime parce que tu es un mulet, car, s’il n’y avait pas eu de mulets, je n’aurais pas fait con-