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répondait pas et continuait sa conversation avec le mulet :

— Courage, camarade ! disait-il. Ne crois pas que tu sois tombé dans des mains étrangères. Feu mon père, que Dieu ait pitié de son âme ! avait aussi un mulet, et c’était moi qui devais le soigner, lui donner l’avoine, le mener à la prairie et préparer sa litière. Nous étions si bons amis, que je partageais quelquefois ma tartine de pain de seigle avec Jean Mul, car il se nommait ainsi. Tu dois aussi m’aimer, ne fût-ce que parce que j’ai si bien soigné Jean Mul de Natten-Haesdonck. Tous les hommes sont frères et tous les mulets aussi. Tu me regardes ? Je crois, pardieu, que tu me comprends ! Cela t’étonne, n’est-ce pas ? qu’une personne que tu ne connais pas encore te témoigne tant d’affection ; mais elle a ses raisons. Tu sauras, mon ami, que j’aime quelqu’un. C’est la fille d’un garde-champêtre. J’ai été assez puni d’avoir osé lever les yeux aussi haut ; car le garde-champêtre, lorsque j’allai lui demander de pouvoir me marier avec Anneken, m’a jeté si violemment à la porte