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Tout à coup, il entendit Creps pousser un cri de rage. Il fut frappé profondément du regard égaré, de la pâleur et de la voix rauque de son ami.

— Jeu maudit ! murmura celui-ci. J’ai tout perdu, plus un seul dollar ! — Vite, prête-moi une couple de cents francs, Victor.

Mais Roozeman, revenant avec effroi à la conscience de leur position, mit les billets de banque dans son portefeuille et l’or dans ses poches.

— Prête-moi deux cents francs, te dis-je ! répéta Jean avec une animation singulière.

— Non, non, fuyons cette maison ! répliqua son ami. Pour l’amour de Dieu, Jean, ne joue plus ! Suis-moi à l’hôtel, ou je m’en vais seul !

En disant ces mots, il courut vers la porte de la salle ; ses amis le suivirent en grommelant, et ils quittèrent tous ensemble la maison de jeu.

Il y eut alors parmi les joueurs une hésitation étrange. Comme si la disparition de cet heureux jeune homme eût refroidi la passion de la plupart d’entre eux, la table resta quelques instants sans amateurs, malgré l’appel provocant du banquier.